Natures mortes, Frédéric Miterrand, 2008
Après avoir découvert les premières photographies que Véronique Ellena dévoilait devant moi d’un geste à la fois doux et volontaire, bien conforme à ce que je devine de la générosité de son caractère et de la qualité de son regard, je n’ai pu m’empêcher de repenser au cinéaste Paradjanov que j’ai toujours profondément admiré. Peut-être à cause de la grenade, ce melograno tellement savoureux mais qui s’ouvre comme une blessure, dont Véronique Ellena saisit la beauté sensuelle et dont le cinéaste arménien disparu avait fait le cœur d’un de ses plus beaux films, Sayat Nova, « La couleur de la grenade ».
Les artistes que l’on aime se ressemblent surtout par les émotions qu’ils font naitre en nous et je laisse aux érudits le soin de confirmer ou d’infirmer ce que j’ai ressenti très instinctivement en regardant les si belles photographies de Véronique Ellena. Pour ma part je suis heureux d’avoir pu placer d’emblée cette jeune femme qui a si bien mis à profit son séjour à la Villa Médicis à côté du vieux maître caucasien dont personne ne parvint à étouffer la soif de liberté ni à denier la manière infiniment poétique dont il observait les choses les plus humbles ou les plus insolites et dont il les associait à de simples décors teintés de discrète mélancolie. Et le fait qu’un autre artiste dont j’aime également l’œuvre avec autant de ferveur admirative, Christian Lacroix, place Véronique Ellena parmi ses photographes de prédilection, ne fait que confirmer pour moi le sentiment qu’elle appartient tout à fait à mon jardin secret.
Mais comme chacun sait, les jardins secrets sont faits pour être partagés et c’est donc avec honneur que j’envisage de voir beaucoup d’autres visiteurs se laisser séduire par les photographies de Véronique Ellena et choisir à leur tour les artistes qui l’accompagneront dans leur cœur.
Frédéric Mitterand
Catalogue « Natures mortes », Villa Medici, 2008
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